POÈMES DE GOSSES – PROSES D’ENFANTS
« En cette année-là (1930), la revue de la
Croix-rouge publiait un poème extrait de mon premier recueil. Inutile de dire
que ce poème, naïvement composé à dix-sept ans, était d’une clarté,
d’une simplicité à me rendre ridicule dans les cercles littéraires de l’époque.
Cette revue était distribuée dans la classe de ma femme. Surprise des élèves.
- Oh ! Madame, vous avez vu, il y a une poésie
de Monsieur Carême !
- Mais c’est facile à faire, déclare la petite Josée.
- Eh bien, puisque c’est si facile, essaie, lui dit ma femme.
En quelques minutes, Josée écrit trois poèmes. Je souris lorsque ma
femme me raconte l’incident. Mais je ne souris pas longtemps. Dès les premières
lignes, je me trouve en effet devant une poésie authentique :
Le ciel tranquille et clair
S’avance vers l’aurore
Sur ses pantoufles d’or...
J’écris sur les papiers : « Très
bien, Josée, continue ! »
Ma femme s’empresse de lire les poèmes devant la classe.
- Quoi ! c’est cela un poème ? s’écrient les autres élèves,
mais c’est facile à faire !
- Alors, répond ma femme, ahurie, essayez.
Et voilà toute la classe composant avec fièvre.
Les jours suivants, ce n’est plus trois poèmes, mais des douzaines de poèmes
que ma femme me rapporte, des douzaines de petits poèmes où abondaient les
trouvailles.
Je ne voulus pas être en reste. Dès le lendemain, je lisais quelques
textes, dans ma classe, à des gamins de huit à dix ans. Le résultat fut tout
aussi surprenant, et les poèmes s’amoncelèrent, toujours aussi originaux. La
source s’avérait intarissable et j’avoue que, durant des mois, je fus
bouleversé par cette découverte. »
Maurice Carême
LE
BERGER
Au haut d’une montagne
Se tient un vieux berger d’air pur.
Lentement, il descend ses moutons blancs.
Le vent souffle à travers ses bêtes,
Et les nuages le saluent.
*
* *
Le Bon Dieu a ses anges,
Le ciel a ses nuages
Et moi, mes agneaux,
Ce sont mes poèmes
POÈMES DE GOSSES
Des amis « êtres humains » cela n’existe pas.
Un jour qu’on possède une âme bavarde, on se déclare en le pensant :
« Tu es mon ami… je suis ton ami… vraiment nous sommes de vrais grands
amis… Quelle chance que nous nous soyons rencontrés. » Hélas ! on
le croit. Les années passent. On a bientôt 12 ans. Combien d’amis restent-ils ?
Au fond du cœur, peut-être, et encore…
*
* *
Je coule un regard vers la fenêtre, et comme si le
ciel me comprenait, la neige se met à tomber. Longtemps, doucement, elle
tombe….
Et je devins triste, mais triste comme si j’étais déjà grande. Mais
je ne le suis pas, n’est-ce pas ? Mon Dieu ! j’ai tant besoin de
croire que je suis encore une enfant.
PROSES D’ENFANTS
© Fondation Maurice Carême
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