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LE CHAT ET LE SOLEIL
Le chat ouvrit
les yeux,
Voilà pourquoi,
le soir, L’ARLEQUIN L’ARTISTE
Il voulut
peindre une rivière ;
Il peignit une pie grièche ; Elle s’envola aussitôt.
Il dessina une dorade ; D’un bond, elle brisa le cadre.
Il peignit ensuite une étoile ; Elle mit le feu à la toile.
Alors, il peignit une porte Au milieu même du tableau.
Elle s’ouvrit sur d’autres portes, Et il entra dans le château.
ENTRE DEUX MONDES LA CUISINE
La cuisine est
si calme
Le printemps,
accoudé
Les chaises se
sont tues.
Et à peine
entend-on, MERE
L’HOMME
L’homme et
l’oiseau se regardèrent.
L’homme et le
chevreuil se croisèrent.
L’homme et
l’enfant se rencontrèrent.
Et l’homme s’en
alla, pensif.
Et, pas plus
que l’oiseau dans l’ombre, DEFIER LE DESTN
LA PEINE
On vendit le
chien, et la chaîne,
Elle resta là,
accroupie
Puis, prenant
peu à peu conscience
Le reflet des
meubles anciens,
Et depuis, on
la voit parfois, PETITES LEGENDES PARTOUT ON TUE
A quoi
servirait-il de fuir ?
Et l’on a beau
scruter le ciel,
Et l’on a beau
vouloir parler
Et l’on a beau
vouloir crier DE PLUS LOIN QUE LA NUIT POUR QUOI FAIRE ?
La vérité, mais
pour quoi faire ?
La liberté,
mais pour quoi faire ?
La justice,
mais pour quoi faire ?
La révolte,
mais pour quoi faire ?
Mais lui
n’ajoutait jamais rien. COMPLAINTES
LA LIBERTE
Je suis la
liberté,
Mais on le
laissait faire,
Je suis la
liberté, DEFIER LE DESTIN
L’OISEAU
Quand il eut pris l’oiseau, Il lui coupa les ailes. L’oiseau vola encor plus haut.
Quand il reprit l’oiseau, Il lui coupa les pattes. L’oiseau glissa telle une barque.
Rageur, il lui coupa le bec, L’oiseau chanta avec Son cœur comme chante une harpe.
Alors, il lui coupa le cou. Et de chaque goutte de sang, Sortit un oiseau plus brillant.
ENTRE DEUX MONDES
LA MORTE
Il entendit la
mort
Il savait que
la porte
Mais il aimait
la morte
Ni la mort ni
la morte ;
PETITES LEGENDES
PRIERE DU POETE
Je ne sais ni
bêcher, ni herser, ni faucher,
Je ne sais ni
dresser un mur de bonne pierre,
Je ne sais
travailler ni la soie, ni la laine,
Je ne sais ni
jouer de vieux airs populaires,
Ma vie s’est
répandue en accords à vos pieds.
HEURE DE GRÂCE
LA VIE
Comme il passait sur le sentier, Il vit la vie dans un pommier,
La vie qui récoltait les pommes Tout comme l’aurait fait un homme.
Elle riait, riait si haut Qu’autour d’elle tous les oiseaux
Chantaient, chantaient si éperdus Que nul ne s’y entendait plus.
La mort, assise au pied de l’arbre, Aussi blanche et froide qu’un marbre,
Tenait à deux mains le panier Où les pommes venaient tomber.
Et les pommes étaient si belles, Si pleines de jus, si réelles
Que la mort, lâchant le panier, S’en fut sur la pointe des pieds.
ENTRE DEUX MONDES
poèmes: © fondation Maurice Carême photos: © Ernest Trümpy
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